Contexte et parties-prenantes
Le projet que nous présentons sur ce site est le fruit d’un partenariat entre l’Université Paul Valéry-Montpellier III et le Musée Georges-Labit à Toulouse. A travers le cours intitulé “Cultures et médiations culturelles numériques” proposé par Lucie Alidières et Isabelle Illanes, les étudiants du Master M1 Humanum que nous sommes, ont été amenés à conceptualiser un dispositif de médiation numérique à destination du musée, pour lequel nos interlocuteurs privilégiés ont été Hélène Poque et Francis Saint-Genez, respectivement chargée des publics, de l’animation et de l’accessibilité et Conservateur en chef (cf. « Organisation interne » dans la partie Analyse institutionnelle).
Ce projet a été réalisé à distance entre toutes les parties prenantes. La situation de confinement sanitaire dûe à la Covid-19 a accentué cette particularité, rendant impossibles la visite du Musée, les déplacements, le travail en présentiel ou l’accès aux bibliothèques. Néanmoins, malgré ces obstacles, nous avons réussi à mener ce projet long de neuf semaines avec conviction, imagination et entrain !
Objet du marché
La note de cadrage rédigée par l’institution inscrit la demande à la fois dans un contexte d’évolution du musée à moyen-terme et dans un désir exprimé par les visiteurs :
Projets du musée :
- Recentrage du Musée sur l’ethnologie (notamment par le biais du colonialisme)
- Recentrage sur les collections Asie
Demandes des visiteurs :
- Une forte demande émane des visiteurs en termes de médiation. Ces derniers souhaitent obtenir davantage d’explications sur les objets exposés notamment en ce qui concerne leur contextualisation.
En conséquence, l’objet du marché est formulé ainsi dans la note de cadrage :
« Le musée étudie les projets de médiation numérique inclusifs qui répondent à la demande des visiteurs c’est-à-dire qui permettent de contextualiser les objets exposés tout en fournissant du contenu informatif qualitatif relatif à leur origine et leur histoire. »
Note de cadrage, page 7.
Analyse des besoins
Nos échanges avec Hélène Poque et Francis Saint-Genez nous ont permis de cerner plus précisément les besoins et les objectifs multiples de l’institution, dont certains ont déjà été évoqués dans l’analyse institutionnelle et que nous résumerons brièvement ici pour donner le cadre global dans lequel s’insère notre projet.
A côté de la nécessaire rénovation du bâtiment, ce projet s’inscrit dans le désir d’un renouveau global du musée qui prendra corps dans les prochaines années :
L’évolution du musée vers une approche ethnologique et une nouvelle scénographie
Le conservateur souhaite repenser la muséographie qui date de 1996, et qui n’est pas, selon lui, aboutie. Les objets de la vie quotidienne ont été peu à peu mis en réserve au profit de l’exposition de “belles pièces”. A cette présentation des collections de type “Beaux-Arts”, il souhaite substituer une approche davantage axée sur l’archéologie et l’ethnologie. La recontextualisation à visée informative et le réagencement scénographique ont donc toute leur part dans cette nouvelle ligne.
Francis Saint Genez souhaite également axer sa réflexion sur la question coloniale, selon une approche scientifique et trans-institutions, en invitant par exemple des sociologues et des historiens afin d’éclairer cet aspect de l’histoire.
Aussi, la partie “Égypte” est amenée à disparaître du Musée Georges-Labit : nous nous concentrerons donc sur la partie Asie.
Une médiation numérique à visée informative
Le besoin d’informations concernant les œuvres exposées est un objectif clair.
Situation aujourd’hui : Il n’y a pas de cartels développés, pas de fiche de salle, pas de panneaux explicatifs sur les sections. Les catalogues sont anciens et payants. Les seules informations inscrites sur le cartel sont la période, le pays, le nom de l’objet, la matière et le numéro d’inventaire. Seules les médiations humaines assument ce rôle informatif (Hélène Poque ou les conférencières)
Cette demande est exprimée à la fois par nos commanditaires et par le public qui souhaite un apport de connaissances supplémentaires relatives aux objets, comme on peut le lire sur les extraits du Livre d’Or ci-dessous :
Méthodologie de projet à dominante éditoriale
Notre projet est donc centré sur les contenus : ce sont les contenus qui guident la conception. Bien sûr, le choix de l’outil technique (une tablette) détermine aussi le champ des possibles ainsi que la prise en compte de l’usager qui est au cœur de nos préoccupations. Si une phase de réalisation venait à voir le jour, les feedbacks des utilisateurs dans des séances de tests auraient donc un impact important sur l’évolution du dispositif vers sa version finale.
Il faut bien admettre que le contenu est souvent le parent pauvre du projet. L’industrie digitale tend à favoriser le prisme technologique et fonctionnel pour des raisons historiques et culturelles. Le travail de conception est alors basé sur la création d’une coquille vide dans laquelle c’est la conception fonctionnelle qui va déterminer la conception éditoriale : la forme avant le fond, en somme…
http://www.iafactory.fr/service-ux/strategie-editoriale/specification-editoriale.php
Or, le fait de spécifier l’envergure éditoriale et l’amplitude des contenus, avant de travailler la conception fonctionnelle, permet de privilégier une conception où ce sont les contenus qui exercent une pression sur le fonctionnement : la forme au service du fond.
En matière de méthodologie, il est tout à fait intelligent de considérer les spécifications éditoriales comme un moyen d’exprimer le besoin du commanditaire ou de l’organisation émettrice. Ce matériel précieux permettra d’orienter efficacement les solutions de conception, sur la base de contenus réels plutôt que sur des locutions latines…
L’inclusivité
L’inclusivité est un thème fort de la culture muséale aujourd’hui. Hélène Poque la défend et la fait vivre avec énergie à travers ses médiations humaines personnalisées (voir plus bas) et l’accessibilité physique du musée. Dans cette optique, nous avons tenté de rester en quelque sorte « universel », compréhensible par tous, en utilisant le langage des images, le ludique ou l’intuitivité de la tablette.
Mais nous sommes aussi conscients des limites de notre projet en terme d’inclusivité :
- Un public non-voyant sera défavorisé : une idée pour y pallier serait de proposer des reproductions 3D (grâce à une imprimante 3D, en collaboration avec un fablab ou bien en plâtre) de certaines œuvres afin qu’un public non-voyant puissent les toucher, les manipuler.
(Voir exemple suivant : Le Musée d’art et d’histoire obtient le label « Culture inclusive ») - Pour un public sourd ou malentendant, des sous-titre des contenus audios peuvent être incrustés sur la tablette, ou même une vidéo en LSF pourrait présenter le musée et les collections.
(Voir exemple suivant : Video Guide en LSF) - Pour les visiteurs étrangers, les modules peuvent-être proposés en plusieurs langues.
Aussi, nous savons que l’utilisation du texte en soi peut être discriminante, c’est à dire de fait exclure un public analphabète.
Autres besoins formulés
Du contenu sur le personnage de Georges Labit et sur le bâtiment lui-même serait apprécié de tous.
Objectifs à atteindre
Entrée dans le monde du numérique et ses “possibles”
L’entrée du musée dans l’aire du numérique est un objectif clair : se doter d’un dispositif de médiation numérique est un objectif en soi.
Aujourd’hui, la médiation in situ est intégralement humaine. Le musée ne possède pas de dispositif numérique : le site internet a été mis en place il y a seulement 2 ans, et il n’y a pas de dispositif pour des visites en autonomie (audioguide, tablettes). La vidéo sur la partie Égypte ne fonctionne pas, il n’y a pas de Livre d’Or numérique, pas de jeux interactifs pour les enfants.
Il est à noter que 2 chantiers sont en cours, dont les productions pourront alimenter notre dispositif à terme :
- Open Data / Open Access : Le travail de fond est fait pour documenter les œuvres, un gros chantier reste à mener via les dispositifs numériques pour mettre à disponibilité les collections. Francis Saint-Genèz a déjà prévu leur mise en ligne sur un site dédié.
- Scan 3D : une campagne de numérisation de petits objets (de 20 à 40) est prévue très prochainement.
Pour le Conservateur, il s’agit de trouver un équilibre entre le numérique (un supplément d’âme, une mise en perspective des objets exposés) et le contact direct avec les œuvres qui reste fondamental selon lui, ainsi que la médiation humaine. S’il avoue très volontiers que le numérique n’est pas sa spécialité, il se montre très ouvert à l’immersif, au ludique, et est en attente de conseils et de propositions de notre part, dans une optique de co-construction enrichissante.
L’innovation permettrait aussi d’atteindre d’autres objectifs qui font parties des nouvelles attentes du musée : si la ville de Toulouse est très ancrée sur la technologie (projet Smart City, culture scientifique, implantation de l’industrie aéronautique), le musée Labit fonctionne lui sur une niche (culture patrimoniale, musée excentré). Un projet innovant permettrait d’obtenir des financements de la municipalité, de communiquer sur une nouveauté (augmenter la visibilité de l’institution) et ainsi d’attirer un public différent, plus jeune, plus technologique (renouvellement du public) et de contenter un public étudiant déjà présent grâce notamment à la politique de gratuité.
Accentuer la logique de partenariats trans-institutionnels
Déjà largement entrepris par Hélène Poque dans les champs du social, du handicap et de l’éducation, le conservateur souhaite prolonger cette logique en recrutant une personne chargée de créer des partenariats avec différents instituts de pays asiatiques présents en France dans le domaine contemporain, de l’art ou des savoir-faire artisanaux. On peut noter que la programmation éclectique et le travail avec le milieu associatif toulousain (photographies, musique…) sont déjà bien ancrés dans les pratiques de l’institution.
Notre projet s’inscrit dans cette dynamique de partenariats (Écoles, Universités) qui assure aussi un coût moindre en phase de conceptualisation et de réalisation.
Public cible
- Pour se lancer sur un premier projet numérique, la demande se concentre sur un dispositif de type ”Grand Public” et accessible. C’est à dire compréhensible et accessible par l’ensemble de la population (enfants -en âge de lire-, adultes, seniors, étudiants, familles, classes sociales indifférenciées, malentendants, personnes à mobilité réduite), par opposition à un public initié donc.
NB : le Musée n’a pas encore mené d’enquête approfondie sur ses publics, il n’en a donc pas une connaissance assez fine pour demander un dispositif trop spécifique, trop ciblé. - Pour Hélène Poque, le ludique est un moyen saisissant de toucher le public quel qu’il soit, surtout les nouvelles générations, les familles. Le contenu doit être juste, en cohérence avec les œuvres. La médiation numérique est aussi un moyen de faire du lien avec le public, de rebondir, ou d’engager une conversation par exemple.
- Nous avons aussi plutôt privilégié le groupe (même si les modules sont réalisables seuls) et les possibilités de « faire à plusieurs » ou d’échanger et de partager des connaissances, plutôt que l’individu seul, et n’avons donc pas axé notre projet sur un dispositif totalement immersif (audioguide personnel, pièce dédiée à la projection d’un film) qui risquerait d’isoler systématiquement l’expérience muséale.
Les médiations humaines “personnalisées”
Notre dispositif numérique n’est pas pensé pour se substituer aux médiations humaines déjà existantes mais peut évidemment être utilisé en leur sein.
- Le public en situation de handicap : il nécessite le plus souvent une médiation humaine, préparée “sur-mesure”, à chaque fois par Hélène Poque, de A à Z, en partenariat avec des associations. Le musée est par ailleurs accessible entièrement aux fauteuils roulants. Certaines visites pour non-voyants ont été organisées (orientées sur les sensations, les odeurs…) et ont eu un vif succès et ont attiré beaucoup de monde.
- Le public scolaire : la médiation humaine préparée “sur-mesure”, à chaque fois par Hélène, de A à Z, avec une fidélisation des enseignants à la clé.
Nous avons résumé dans ce schéma les caractéristiques saillantes du dispositif tel qu’il est demandé :
NB : Le dialogue avec les professeurs, le cours et les recherches que nous avons faites sur les tendances muséales actuelles, nous ont conduit à inclure la notion de PARTICIPATIF + CONTINUUM, qui correspond à la place particulière faite aujourd’hui à l’expérience du visiteur (impressions, ressentis, émotions..) dans un continuum avant-pendant-après la visite. Il s’agit aussi de donner la parole au public, de lui laisser une place dans la scénographie.
Une autre caractéristique a été prise en compte : Le personnel du musée doit pouvoir s’approprier facilement le dispositif, sans que celui-ci leur demande un effort supplémentaire dans leur travail de tous les jours : FACILE À S’APPROPRIER
Un dernier aspect, correspondant à une sensibilité du conservateur, nous pousserait, en phase de réalisation, à faire particulièrement attention au graphisme dans son ensemble : ESTHÉTISME
Freins / Menaces du marché
- Changement en cours : L’évolution du musée est à la fois une opportunité mais aussi un écueil pour la conceptualisation du projet. Nous ne connaissons pas les œuvres qui vont rester, celles qui vont disparaître, ni la configuration de la nouvelle scénographie ou la nouvelle ligne éditoriale. Il est difficile de construire sur du mouvant. La solution est de rester agile, de ne pas fixer le projet dans le marbre, de rester ouvert au changement et donc d’anticiper de devoir de s’adapter aux nouvelles données qui peuvent s’ajouter.
- Covid-19 : Obstacle à la réalisation du projet.
- Contraintes budgétaires : Nous ne connaissons pas l’enveloppe dédiée à ce projet. Un budget serré semble justifier des partenariats avec des Universités ou des Écoles. Nous savons néanmoins que la municipalité peut subventionner les projets innovants et accessibles.
- Délais : La date de réalisation souhaitée par le musée reste encore floue. Notre rendu de conceptualisation pour l’université est fixé au 11/01/2021. Si le projet est retenu, il nous sera envisageable de le réaliser au sein du Master 2. Une autre option consiste à faire appel à un développeur externe (voir rubrique Ressources).
- Menaces du marché : Beaucoup de musées sont maintenant dotés de dispositifs numériques, innover technologiquement devient difficile.
Sources pour cette partie :
- Note de cadrage
- Interviews Hélène Poque 1 et 2
- Interview live de Francis Saint-Genez
- Livre d’Or du Musée G.Labit