Conceptualiser notre dispositif est une étape importante pour caractériser avec précision et pertinence l’organisation générale du projet, avant d’être en mesure d’estimer les ressources nécessaires. Il s’agit de poser les cadres théoriques, techniques et logistiques de notre dispositif afin de couvrir un large panel de problématiques et ainsi tenter de mieux anticiper sa mise en place.
Les modalités générales : usage, accès, support et circulation
Usage, accès et supports
Notre dispositif est proposé sous format d’une application disponible uniquement au musée, celle-ci se présente sur tablettes tactiles fixes, disposées sur des supports dans les espaces dédiés du musée. Certains modules s’accompagnent de casques audios pour les activités mobilisant du son.
Notre dispositif est pensé pour être utilisé seul ou en groupe, selon le choix et les conditions de visite de l’usager. Pour les enfants de moins de 10 ans, nous recommandons l’accompagnement d’un adulte.
Les modules sont utilisables assis ou debout (selon les modules). Cependant, pour les personnes à mobilité réduite notamment, nous prévoyons d’utiliser des supports pour les tablettes tactiles avec une hauteur réglable (utile également pour les enfants) ; de ce fait, nous prévoyons de placer les supports des tablettes dans un espace pouvant accueillir un fauteuil face à la tablette et à proximité d’une chaise ou d’un banc.
Le dispositif sur tablette est donc accessible sans inscription, l’application étant en libre disposition sur les tablettes. Du fait qu’il n’y a pas d’inscription, les données récoltées sur les choix de réponses dans les quizs et pour le carnet de voyage à la fin du parcours, sont anonymisées ; elles ont pour but de générer automatiquement des statistiques et des infographies pour l’usager, sans qu’il ait accès aux identités derrière les données. Le mail que l’usager peut entrer dans l’application pour s’envoyer son carnet de voyage personnalisé n’est pas conservé dans les bases de données. Le dispositif respecte donc bien les précautions et bonnes pratiques recommandées par le règlement général sur la protection des données (RGPD).
L’interopérabilité et la multi-modalité sont des caractéristiques importantes du dispositif.
- L’application est disponible uniquement pour les tablettes tactiles au sein du musée, nous n’avons ainsi pas la contrainte de penser une application avec une interface qui fonctionne sur plusieurs produits ou des systèmes sans restriction ; nous concevons l’application selon le matériel prévu et fourni par le musée.
- Les ressources numériques sont très variées dans chaque module : texte, vidéos, audios, illustrations (photographies, dessins…), animations, jeux… Les ressources sont davantage détaillées dans la partie dédiée : Médiations.
Le scénario
Notre dispositif est pensé pour proposer un parcours libre et personnalisé, pour et par l’usager, autour du thème du voyage. Le fil rouge du voyage permet de lier des modules qui fonctionnent de manière indépendante et d’illustrer l’exploration du visiteur. (Voir la partie sur Le récit autour du voyage pour plus de détails)
- À leur arrivée, les futurs explorateurs sont accueillis par Georges Labit lui-même à travers une vidéo d’introduction, qui a pour but de recontextualiser le musée et ses collections mais aussi de tisser le récit de la médiation et son potentiel immersif.
- Le visiteur, devenu explorateur/visit-acteur, découvre les modules qui sont matérialisés par des escales dans des zones géographiques, et peut choisir de les réaliser dans leur intégralité ou partiellement. Il s’agit d’une déambulation libre, où le visit-acteur construit son parcours et découvre à son rythme et selon ses envies, les trésors d’Asie.
- Le parcours de visite se termine par la possibilité de réaliser un carnet de voyage numérique avec ses œuvres et moments préférés, qui sera conservé comme un souvenir de voyage. L’idée sous-jacente est qu’un voyage a un début et une fin, mais il se prépare en amont et s’immortalise (on en garde des souvenirs par la suite).
- La visite du musée est donc symboliquement le voyage en lui-même, l’introduction représente les préparatifs et le carnet les souvenirs, le tout constituant ainsi un continuum.
La circulation in situ
Nous avons fait le choix de modules indépendants liés par le voyage, pour des intérêts immersifs, ludiques et personnalisés ; mais également pour répondre plus facilement aux besoins du musée. En effet, il est notifié dans la note de cadrage fournie (page 5) :
Le musée a prévu de redistribuer ses collections sur l’espace muséal pour mettre en avant les collections d’Asie notamment par le biais de l’histoire coloniale. Dans ce contexte, de nouvelles collections et acquisitions viendront enrichir le parcours de visite.
Note de cadrage, page 5.
La collection égyptienne fera l’objet d’une redistribution au sein des collections municipales.
À ce jour, il n’y a pas de date pour ce nouveau projet de rénovation.
Dans l’attente, le musée envisage de réaliser des supports de médiation imprimés pour fournir des explications sur les objets exposés et agrémenter le parcours de visite.
- Nous avons pensé un dispositif en modules qui s’adapte aux changements muséographiques et scénographiques du musée. C’est pour cette raison que nous avons fait le choix dans le prototypage, de ne pas changer le parcours de visite ni de proposer de changements trop importants dans la scénographie.
- Le contenu de nos modules est également modulable et reste une proposition qui peut changer, s’adapter, mais qui donne à voir l’articulation des informations et du contenu interactif. Nous avons fait le choix de concentrer notre récit sur le voyage et la recontextualisation historique et ethnologique, en mettant de côté l’histoire coloniale pour une première démonstration. Nous avons jugé que la thématique dépendait beaucoup de la future redistribution des œuvres et du discours voulu par le conservateur du musée, mais son intégration dans les modules s’envisage après consultation et cadrage par l’équipe du musée.
- Nous avons conçu notre dispositif en prenant en compte que les cartels et fiches de salles vont être repensés par le musée. Une fois de plus, le contenu des modules proposé pourra être adapté en fonction des demandes et besoins du musée par rapport à la reconfiguration d’éléments de la médiation et de la scénographie.
La circulation du visiteur au sein du musée est donc pensée pour être libre, sur l’idée d’une déambulation avec des escales qui correspondent à un module pour chaque point d’étape. Le plan ci-dessous est une proposition illustrative de notre logique de circulation, il ne correspondra pas forcément à la nouvelle configuration du musée après sa révision. Les paramètres techniques et logistiques concernant l’emplacement des tablettes seront également à prendre en considération.
Cependant, au-delà des éléments que nous ne pouvons pas prévoir, nous proposons :
- Le retrait des flèches au sol indiquant le sens de visite actuel, notre dispositif n’étant pas pensé pour un parcours cadré et linéaire qui dirige le visiteur dans un seul sens, mais qui ouvre les espaces et la circulation. Nous proposons d’intégrer un plan du musée sur l’application ou de le prévoir sur les supports de médiation imprimés prévus par le musée.
- Nous proposons d’ajouter des stickers au mur pour signifier visuellement au visiteur où il se situe sans lui imposer un sens de visite, en plus de l’indication de la zone géographique concernée sur la tablette. Nous jugeons important de rendre complémentaires les médiations ‘physiques’, ‘imprimées’ avec notre dispositif de médiation sur tablette tactile.
L’application : structure et ergonomie
La charte des bonnes pratiques
Nous n’avons pas arrêté la charte graphique de nos modules, justifiant la non-uniformité des mises en page dans nos prototypes présentés dans la partie Médiations. Il s’agit également de notre méthode de travail : chacun est libre de concevoir une médiation selon son propre regard et peut ainsi conserver une démarche créative (voir la partie Démarche de gestion de projet pour plus de détails sur notre processus créatif). Nous avons tout de même défini et conceptualisé ensemble les grands principes et structures de base de notre dispositif. Cela permet également au musée de comparer et de donner ses préférences, pour répondre au mieux à ses besoins.
Bien entendu, nous ne saurions nous substituer à l’expertise de professionnels en graphisme et en développement d’application. Nous avons donc souhaité penser la charte graphique définitive après la conceptualisation générale. Nous nous entendons sur le fait que nous souhaitons une charte graphique aux couleurs vives et dynamiques, avec des rappels de l’univers du voyage et des couleurs associées au monde asiatique (rouge, jaune, vert, blanc* ; des icones récurrentes type avion…). L’idée centrale étant d’illustrer le voyage.
*Pour plus de détails sur la signification des couleurs en Asie : Jardin de chine : La symbolique des couleurs, Un singe en Asie : L’importance des couleurs et leurs significations en Asie
Au démarrage de chaque module, une introduction visuelle commune apparait sur l’écran par défaut avant de démarrer le module et d’accéder au menu, comme celle ci-dessous pour le Japon. Il s’agit d’une « fausse » géolocalisation qui indique la zone géographique concernée et le module de l’espace dédié (elle représente symboliquement le fait d’atterir). Cette introduction visuelle porte à la fois un intérêt ludique, immersif (on donne l’impression au visiteur que sa géolocalisation est réelle, toujours dans l’idée du voyage) et ergonomique (la géolocalisation incarne un repère efficace et dynamique).
Nous avons pensé une structure de base pour nos modules, autour d’un menu général, divisé en sous-modules, également réalisables indépendamment. Cette structure et certaines fonctionnalités peuvent varier après le conseil et l’expertise de développeurs, pour un usage plus aisé, fluide, ou des questions de difficulté de réalisation.
Concernant la structure globale et la mise en route du dispositif, l’application réunit tous les modules avec un menu général non accessible aux publics, pour démarrer et bloquer le module choisi sur la tablette dans la zone dédiée.
Il est possible de trouver des hyperliens au sein de nos modules, qui redirigent vers des ressources au sein même de ceux-ci. Nous avons donc fait le choix d’avoir recours à des boutons interactifs pour accéder à ces ressources, plutôt que de liens hypertextes, plus pertinents pour des ressources extérieures.
Ergonomie
L’ergonomie désigne les choix de conception (ici de notre dispositif numérique) pour que l’objet (l’application) soit commode à l’usager et efficace, le but étant un prise en main aisée, rapide, intuitive, fluide et adaptée. Nous avons essayé de dégager quelques grands principes et intentions pour l’ergonomie de notre application, mais sur le même modèle que la structure de l’application, nous nous en remettons à l’expertise de professionnels :
- L’interface de notre application est pensée pour être sans scroll bar. L’intérêt est de n’avoir aucun contenu caché, qui nécessiterait une action pour y accéder, et qui réduirait donc le nombre de personnes concernées accédant au contenu. C’est dans cette logique que nous avons fait le choix de textes courts.
- L’organisation de l’interface est identique, elle comporte des éléments fixes sur chaque page afin de permettre une compréhension rapide du fonctionnement et une circulation fluide : des boutons pour accéder au menu général, aux pages suivantes et précédentes à tout moment.
- Les blocs informationnels et textuels sont organisés sur la même page et peuvent varier d’un module à l’autre dans nos prototypes : une organisation en colonnes verticales ou horizontales par exemple. Dans tous les cas, nous souhaitions avoir la possibilité de zoomer sur les illustrations ou sur les blocs de texte.
- Le dispositif est structuré en modules autonomes, structurés eux-mêmes en thématiques, pour une déambulation libre et un parcours personnalisé. La plus petite unité du dispositif (le sous-module), est donc rapide à réaliser et ne monopolise par l’attention au delà de quelques minutes. La question de la fatigue physique et cognitive est donc amoindrie, l’usager peut s’arrêter à tout moment et réaliser les modules à son rythme, totalement ou partiellement.
- Comme expliqué plus haut, les tablettes sont fixées sur des supports sur pied ajustables, pour s’adapter notamment aux personnes à mobilité réduite. Pour les personnes malvoyantes, il est envisagé d’intégrer une fonctionnalité de lecture automatique d’écran pour les contenus compatibles.
Précautions nécessaires
Nous avons noté plusieurs effets « indésirables » intrinsèques à notre dispositif sur tablettes tactiles fixes :
- Le fait de fixer les tablettes tactiles dans les espaces d’exposition, et donc fixer leur nombre à disposition des usagers, a l’avantage de faciliter le fonctionnement technique de l’application : il n’y a pas besoin de penser un système qui détecte automatiquement un changement de zone (comme nous l’avions pensé dans un premier temps, en envisageant une application téléchargeable sur téléphone : voir la partie « Similarités et différences dans nos médiations » dans Analyse d’un dispositif). Ce système fixe évite également l’écueil de permettre une expérience numérique déconnectée de son sujet, en se situant directement au coeur des oeuvres. Cependant, nous avons conscience que cette limite de tablettes par salle peut créer des « embouteillages » en période de forte fréquentation du musée. Nous envisageons éventuellement de mettre à disposition des tablettes supplémentaires dans les espaces si fréquentations accrues.
- L’emplacement des supports des tablettes est important concernant la batterie des tablettes tactiles. Une des solutions serait de placer les supports à proximité de prises pour brancher facilement les tablettes.
- Un risque de casse est à prévoir, qui peut être amoindri par les agents d’accueil et de surveillance au sein du musée.
Concernant l’utilisation des ressources pour constituer les contenus des médiations, nous dépendons de ce que le musée peut nous mettre à disposition à terme (archives et réserves du musée, photographies sur le site…) ainsi que ses souhaits et contraintes. Dans nos prototypes, nous avons utilisé des ressources sous licence CC et cité les auteurs quand cela était nécessaire.
Conclusions
Le numérique dans notre dispositif est indispensable pour plusieurs raisons :
- L’adaptabilité des contenus et la possibilité de les adapter ou changer selon les besoins (dans un perspective à long terme, avec l’intégration de nouvelles œuvres dans le dispositif par exemple).
- La possibilité de réaliser des activités permises par le numérique : la reconstitution en trois dimensions, les supports audio, les projections…
- La collecte de données : le numérique nous permet de collecter et mettre en forme les données collectées de manière automatique.
- Il nous permet aussi de proposer une nouvelle expérience muséale au visiteur et d’intégrer plus efficacement le participatif et le collaboratif au sein du musée.
- Le carnet de bord numérique est partageable par mail ou sur les RSN et permet de poursuivre la médiation et les réflexions des usagers en dehors du musée.
- L’interactivité et le potentiel technique permis par les tablettes permet de proposer des supports dynamiques, adaptés, interactif et accessibles. En ce sens, il permet de s’adresser à un plus large public, qui aurait été limité dans le parcours de visite pour des questions d’handicap ou d’ordre socio-culturel.
Cependant, ce dispositif numérique ne saurait remplacer les autres supports de médiation, et nous l’avons pensé en complément des autres médiations (visites guidées, supports imprimés…). Ce dispositif propose un regard, une expérience au sein du musée, mais il revient à l’usager de choisir son parcours.
Nous avons conscience que le support de notre dispositif ne présente pas de réelle innovation technique : les dispositifs de médiation numérique sur tablette tactile existent déjà depuis plusieurs années. Néanmoins nous avons essayé de penser des activités originales et uniques, adaptées aux besoins du musée et s’intégrant dans une réflexion globale sur l’expérience muséale. Si notre dispositif ne présente de nouveauté technique, nous avons voulu tisser un récit de médiation original et créer les cadres propices à une nouvelle réflexion sur les œuvres et le musée, ainsi que sur l’usager lui-même :
- La réflexion sur le discours de médiation au musée nous a conduit à considérer l’usager sous deux aspects : en tant qu’individu et en tant que membre d’une communauté. C’est sur cet aspect que nous avons choisi de nous pencher afin de proposer une médiation qui se veut originale, voire innovante et qui place l’usager face à son propre regard et ses réflexions, mais aussi face au regard et aux réflexions des autres usagers, donnant un nouvel aspect et une nouvelle lecture de l’expérience muséale.
- De plus la notion de déambulation est une nouvelle manière d’envisager la circulation et l’appréhension du visiteur au sein du musée. Le discours de médiation est là pour accompagner le visiteur et construire un cadre propice à la réflexion personnelle et/ou collective. Le visiteur reste le principal acteur et décisionnaire de ce qu’il souhaite découvrir : il co-construit et participe réellement à sa propre expérience muséale.